Un robot social mobile comme outil pour les maisons de retraite

Partager par e-mail

Au fil des siècles, les progrès scientifiques en médecine, en pharmacologie et en diverses interventions chirurgicales ont permis à la population de vieillir en meilleure santé et plus longtemps. Ainsi, notre espérance de vie en France a aujourd'hui atteint l'âge de 85,6 ans pour les femmes et 79,7 ans pour les hommes (Papon et al., 2020). Cette augmentation de l'espérance de vie laisse présager une augmentation du vieillissement de la population dans les prochaines décennies. En effet, nous savons désormais que vers 2050 (donc demain), un tiers de la population aura plus de 60 ans selon les estimations (Perspectives de la population mondiale 2019, Nations unies).

Cette augmentation de la population vieillissante s'explique par l'augmentation de l'espérance de vie et la stagnation du taux de fécondité. Cependant, avec cette augmentation de la population dite " senior ", de nombreuses maladies chroniques (généralement corrélées à l'âge) existent encore, avec des conséquences en termes de perte d'autonomie (Chassang M. & Gautier A. 2019). C'est donc tout un système social et économique qui doit être consolidé afin de surmonter ces inconvénients d'ici 2050.

Qualité de vie dans un établissement médico-social

L'époque actuelle est également marquée par une crise sanitaire sans précédent, faisant écho à des années d'alertes du personnel médical et médico-social protestant contre un manque de personnel et une restriction budgétaire provoquant une surcharge des services et créant une dégradation de la prise en charge des patients (Dussuet et al., 2017). En effet, le vieillissement de notre population provoque aujourd'hui davantage de sollicitations des systèmes de santé. Ceci est notamment dû aux états généralement poly-pathologiques corrélés à la vieillesse (Muller et al., 2004). Ce vieillissement de notre société se traduit aussi souvent par une incapacité fonctionnelle liée aux pathologies fréquentes des personnes âgées qui augmentent leur fragilité et fragilisent notre système médico-social (sursollicitations des services de soins à domicile, de la maison de retraite, ou des soins de suite et de réadaptation). Concrètement, dans une maison de retraite, le personnel soignant n'a pas assez de temps, autre que celui des soins, à consacrer à la personne âgée fragile qui va s'ennuyer et qui peut par la suite développer des troubles dépressifs (Kuhnel et al., 2010). L'un des enjeux majeurs pour éviter la détérioration de la qualité des soins, et donc de la qualité de vie des bénéficiaires, serait l'individualisation des soins (Éloi et Martin, 2017). Les nouvelles technologies qui n'ont cessé de s'améliorer, rendant les humains de plus en plus dépendants d'elles, pourraient avoir un rôle à jouer dans l'amélioration de la qualité de vie dans notre futur.

Des outils technologiques au service du personnel et des personnes âgées

Plusieurs technologies ont émergé dans la dernière décennie puis la période d'enfermement que nous avons vécue pour la première fois, a aidé les usages du numérique dans ce type d'établissement, à se démocratiser. De même, certains établissements avaient déjà pris la décision dans l'acquisition d'objets connectés et/ou robotiques à des fins de divertissement (voir par exemple Carrion-Martinaud & Bobillier-Chaumon, 2017 ou Hamon & al., 2019). Le robot Tiago, développé en 2013 par PAL Robotics, nous servira de point de départ. Ce choix a été fait car il peut être facilement programmé grâce à une architecture ROS (Robot Operating System), adaptable aux projets de recherche.
Le défi consistera à doter ce robot de modules d'intelligence artificielle lui permettant d'agir en fonction de règles morales et de comportements sociaux et à le rendre aussi autonome que possible.

Observer l'organisation sociale autour d'un robot pour co-créer un outil utile et acceptable

L'objet de notre étude dans le cadre de ce projet de trois ans sera dans un premier temps d'étudier l'ensemble des connaissances concernant la robotique sociale mobile ainsi que les besoins dans les maisons de retraite afin de créer, dans une démarche de co-conception au LivingLab, un robot acceptable et utilisable dans ces établissements. L'analyse des besoins sera réalisée de manière qualitative par des observations et des entretiens avec les acteurs impliqués dans l'utilisation du futur prototype. L'objectif n'est pas de créer une tâche de travail supplémentaire pour le personnel mais de l'intégrer dans une routine déjà établie.
La méthode du Living Lab réunit tous les acteurs et utilisateurs autour de la table. Concrètement, dans ce projet de robotique dans une maison de retraite, ce sera le personnel soignant, les personnes âgées, les proches des personnes âgées, réunis dans des réunions de créativité afin de discuter et de décider par consensus des différents aspects de la conception et des pratiques du robot. En général, cette approche utilise des connaissances (théorie et pratique) et prend en compte plusieurs points de vue, perspectives et positions, en incluant toujours les points de vue de la recherche qualitative et quantitative (Johnson et al., 2007). L'objectif est bien la production de résultats alliant crédibilité et sens (Guével & al., 2016) dans le développement et l'évaluation d'un prototype. Nous cherchons à doter ce robot de modules d'intelligence artificielle lui permettant d'agir avec des règles morales et des comportements sociaux et à le rendre le plus autonome possible.
Des tests seront ensuite réalisés afin d'obtenir des observations permettant d'améliorer le prototype de conception. D'abord dans un environnement réaliste (Appartement d'expérimentation du Living Lab ActivAgeing de l'UTT, voir Voilmy & Duchêne, 2013) puis, dans un second temps, dans des environnements réels au sein d'établissements gériatriques (maison de retraite) ou du secteur médico-social (soins de suite, centre de rééducation). 

Bibliographie

  • Burke Johnson, R., Anthony J. Onwuegbuzie et Lisa A. Turner (2007) Toward a Definition of Mixed Methods Research, Journal of Mixed Methods Research 2007 ; 1 ; 112.
  • Carrion-Martinaud, M. & Bobillier-Chaumon, M. (2017). Présence de robots dans les ehpad. Mieux vivre la séparation familiale. Dialogue, 217(3), 45-56. doi :10.3917/dia.217.0045.
  • Chassang M. & Gautier A. (2019). Les avis du CESE, Les maladies chroniques. Consulté sur https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2019/2019_14_maladies_chroniques.pdf
  • Dussuet, A., Nirello, L., & Puissant, E. (2017). De la restriction des budgets des politiques sociales à la dégradation des conditions de travail dans le secteur médico-social. La Revue de l'Ires, (1), 185-211.
  • Éloi, M. & Martin, P. (2017). La personne au centre de la prise en charge en EHPAD : entre règles, pratiques et représentations. Revue française des affaires sociales, 21-40. doi :10.3917/rfas.171.0021.
  • Guével, M.R., Pommier, J. & Absil, G. (2016) Articuler des méthodes qualitatives et quantitatives - Illustrations de la conceptualisation par les méthodes mixtes. In J. Kivits, F. Ballard, C. Fournier & M. Winance (Eds.) Les recherches qualitatives en santé (pp. 296-311). Paris : Armand Colin.
  • Hamon, M., Demange, M., Benveniste, S., Engasser, O., Chabanel, B., & Pellegrino, V. M. (2019, May). Évaluation du robot Zora dans le cadre d'un atelier de réminiscence mené en EHPAD.
  • Kuhnel, M. L., El Iraki, I., Tranchant, M., & Aspe, G. (2010). Prévalence de la dépression en EHPAD : nécessité d'une approche gérontopsychiatrique. NPG Neurologie-Psychiatrie-Gériatrie, 10(57), 111-115.
  • ONU, Perspectives de la population mondiale 2019. Consulté sur https://population.un.org/wpp/Graphs/DemographicProfiles/Pyramid/250
  • Papon, S., & Beaumel, C. (2020). Bilan démographique 2019. La fécondité se stabilise en France.
  • Voilmy, D., & Duchêne, J. (2013). Living Lab ActivAgeing. Développer des solutions sociales et de soins de santé à domicile pour les personnes âgées en utilisant la conception participative, 11(2), 63-68.

Plus ...

Retour en haut